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Comme une petite envie...
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6 avril 2020

Challenge 14/53: écrire une nouvelle - 2ème essai

Bonjour bonjour,

Alors ça y est, défi relevé !

J'ai réussi à travailler grâce à des contraintes trouvées sur le site Labo des histoires qui a retranscrit un atelier d'écritue avec Paul Fournel. J'ai cumulé 2 contraintes que ce dernier avait proposé à l'atelier.

Les contraintes:

1 / Ecrire un texte commençant par : Deux hommes entrèrent dans la pièce et finissant par : Dehors, il faisait soleil.

2/ Insérer dans le texte les 10 mots suivants:

– Lionne
– Livre
– Ephémère
– Papillon
– Stylo
– Pamplemousse
– Haleter
– Brillant
– Pétillant
– Vert
– Lecture

Alors, je suis bien désolée d'avance, le texte n'est pas hyper gai. C'est venu comme ça.

Synchronicité, je participe aussi depuis la semaine dernière à un atelier d'écriture hebdomadaire avec contraintes là aussi, sur le site de 3 kifs Académy de Florence Servan-Schreiber. Trop contente, je vais pouvoir faire perdurer ce jeu tout le mois.

J'enchaine avec le défi de cette nouvelle semaine qui va en fait me prendre 2 semaines: Un MOOC Zéro Déchet, mis en ligne par l'Université des colibris. Le ZD, je pense y être déjà pas mal impliquée. Mais je suis sûre que je vais apprendre de nouvelles choses. Les MOOC vous connaissez? Je vous en reparle la semaine prochaine.

Bonne semaine à tous, je vous laisse avec mon texte. Je ne vous cache pas que j'ai failli juste dire ok c'est bon je l'ai fait @+. Je trouve que donner à lire ce qu'on écrit comme ça est beaucoup plus dur que juste écrire ici. Bref, pas de jugement merci Emoji

Go alors:

Deux hommes entrèrent dans la pièce alors que j’étais absorbée par un article vantant les mérites du pamplemousse dans un magazine girly datant d‘un autre siècle (« Brad trompe Jen avec Angie ! » annonçait la couverture, no comment). Bien élevée, je levais la tête, murmurant un bonjour, avant de replonger dans l’abrutissement de ma lecture. Le temps que les images viennent percuter mon cerveau, il avait bien dû se passer 1 ou 2 minutes. Sentant la chaleur gagner mon visage, mon cœur rater quelques battements, les lignes devant mes yeux se brouiller, je commençais à me demander si j’avais rêvé ou pas.

Me déconnectant de l’histoire des agrumes à travers les siècles et de « leurs bienfaits pour ton body top de l’été », je tentais alors de reconnaitre (ou pas) la voix de celui qui, quelques années auparavant, avait brutalement disparu de ma vie. Cet homme brillant, pétillant même selon nos amis communs, celui qui avait partagé ma vie, mon lit, (mais pas mes factures tiens !) et qui, un jour de printemps, sans que rien ne me laisse deviner quoi que ce soit, avait disparu de ma vie. Totalement. Enfin presque totalement. En rentrant chez moi ce soir-là, tard, je n’avais trouvé en ouvrant la porte de notre appartement que le téléphone, à même le sol. Et un livre posé à côté. Les fleurs du mal. Bien choisi non ?

Je ne me souviens pas de tout. Le cerveau a cette faculté de nous faire oublier les souvenirs trop douloureux. Je sais que j’ai d’abord pensé que nous avions été cambriolés. Je me souviens de cette angoisse qu’il lui soit arrivé du mal. J’ai certainement dû chercher dans les 2 autres pièces un signe de lui. Je me rappelle l’avoir imaginé nu, ligoté, mourant. J’ai le souvenir d’avoir ouvert la fenêtre et de m’être penchée, paniquée à l’idée de le retrouver écrasé en bas de l’immeuble. Mais rien. Pas de trace de lui. Plus de trace de rien, plus aucun meuble, pas une casserole, le gel douche, mes vêtements, les siens, le petit miroir de la salle de bain, mon album photo de naissance, mes livres de cours… Tout avait disparu. Plus rien n’existait dans ces pièces devenues soudain trop grandes. Je me souviens aussi de l’écho de mes pas, vous savez, cet écho que l’on perçoit dans les pièces vides. Je revois ma main s’avancer vers le recueil de poèmes. Je ne me revois pas m’assoir par terre, à côté du téléphone. Mais je me souviens par contre de chacun des mots qu’il avait écrit dans ce livre. Je me rappelle de l’épaisseur des lignes que ce stylo bleu avait tracées par-dessus la déclaration d’amour faite quelques mois plus tôt, au crayon de papier, lorsque pour mon anniversaire, il m’avait offert, "Mais grand dieu quel homme cultivé !", du Baudelaire. Je t’aime écrit au crayon de papier. Je pars écrit à l’encre bleue, indélébile. Voilà qui symbolise bien le côté éphémère de son amour…. Les mots alignés là n’avaient pas de sens pour moi. J’ai dû les relire plusieurs fois avant de comprendre. Je suis désolé. C’étaient ses premiers mots. Désolé de ne plus m’aimer. Désolé de partir. Mais qu’il m’était redevable de tout ce que j’avais fait pour lui, et que mes parents allaient lui manquer, qu’il avait failli ne pas me quitter pour eux, car « tu comprends, j’avais enfin, enfin, trouvé une famille ».

Je suis restée ainsi trois jours. Trois jours prostrée, là, à côté d’un téléphone qui ne sonnerait pas, je le savais. Trois jours où je n’ai pas pleuré, juste hébétée, choquée, inerte. Il aurait voulu me tuer, il n’aurait pas eu à s’y prendre différemment.

Je ne me souviens pas de ce moment où les pompiers sont entrés. Je sais parce qu’on me l’a raconté, que c’est mon chef qui, inquiet de ne pas me voir reprendre mon poste après mes 2 jours de repos, avait tenté de me joindre sans succès. Mon portable s’était déchargé. Mes parents, mes amis, tout le monde tentait de me joindre. Personne n’a pensé à appeler sur le fixe, forcément, qui utilise encore un téléphone fixe ? Ils ont tous tenté de Le joindre, lui-aussi. Il n’a répondu à personne. C’est ma mère, morte d’inquiétude, qui a fini par appeler ma petite voisine, une mamie de 88 ans toujours vaillante. Elle lui a demandé d’aller frapper chez nous. Constatant que personne ne répondait, c’est elle qui a fini par appeler les pompiers.

3 mois d’hospitalisation ont suivi. Là aussi, je n’en garde que peu de souvenirs, hormis celui très précis, vivace, du vert des feuilles de l’arbre que je voyais de mon lit. J’avais de la chance, on m’avait attribuée le côté fenêtre. Lui, personne n’a jamais su ce qu’il était devenu. Il a coupé les ponts avec nos amis communs, de la même façon qu’il a coupé avec moi. Du jour au lendemain. Il n’avait pas de travail, pas de famille. Pas de compte « Copains d’avant » non plus. Je ne l’ai jamais croisé par hasard, en me baladant, en faisant mes courses. Je n’ai pas voulu porter plainte pour ce qu’il avait pris. A quoi bon. A ma sortie d’hôpital, mes parents m’ont reprise chez eux. Je ne voulais plus retourner dans cet appart de toutes façons. J’ai commencé à boire, le soir quand ils rentraient, prétextant l’apéro, la joie de les retrouver, comme avant. Puis je me faisais un apéro le midi, avant d’enfourner les restes de la veille au soir. Bon je ne vais pas vous raconter la descente. Quoi de plus banal. Beaucoup plus banal que le début de mon histoire, croyez-moi. Cela faisait 17 ans, et je continuais à me battre contre mes démons, à coup de cachets que j’avalais grâce à de grandes rasades de gin.

Bref, celui qui m’a brisé le cœur, celui après qui j’ai sombré dans la dépression, dans l’alcool, était-il là, dans cette salle d’attente, à 2 mètres de moi ? Etait-ce lui qui chuchotait, d’un ton plutôt énervé d’ailleurs. Je n’osais pas lever mes yeux de ce journal, ni même bouger, respirer. La peur me tétanisait sur place. Et si c’était vraiment lui ? Est-ce que je devais me lever ? Lui parler ? Prendre une contenance que je n’ai jamais retrouvée et faire la belle étonnée indifférente « Oh tiens ça fait longtemps ! » ou bien sortir mon couteau-suisse et le menacer « Ne bouge plus salopard, je te tiens, je vais te saigner comme le porc que tu es ! ». Je pouvais choisir aussi de me liquéfier, là sur place. Ou mieux, sortir une potion magique de ma poche et me transformer en papillon puis m’envoler discrètement par la fenêtre (Nb : penser à ouvrir la fenêtre avant de boire la potion. Ben oui, ça s’anticipe ça quand on prévoit de devenir un insecte…). En fait, non, si je pouvais me transformer, c’est en lionne que je le ferais. Et là, je me délecterai de plaisir à déchirer sa chair avec mes crocs, à faire jaillir le sang de ses sales veines pour voir la couleur qu’il a. J’acèrerai mes griffes sur son torse jusqu’à ce que ses os soient à nu. Et même là on serait loin de la douleur qui avait été la mienne ce jour où il est parti avec mes souvenirs, mon cœur, mon avenir…

Ses pensées, pas très généreuses je vous l’accorde, m’ont quand même donnée la force de relever la tête et d’observer furtivement le profil de cet homme qui s’était assis à l’opposé de moi sur ma gauche. Penché sur celui qui l’accompagnait, je l’observais à la dérobé. Son profil, je ne pouvais pas l’oublier ni le confondre avec un autre. Mère Nature n’a cependant pas été très sympa avec le haut de son crâne. Lui si brun, si chevelu alors, était devenu totalement chauve. Avec dégoût, je relevais le pli là, derrière sa tête, qui faisait comme une excroissance sur sa peau. Il était tellement occupé à parler à son compagnon que, pas un instant, il ne s’est tourné vers moi. Transparente. Je m’attardais un moment à observer cet autre homme. Beaucoup plus jeune. Très très mince. Trop peut-être. En tout cas, il ne respirait pas la santé. Une barbe de plusieurs jours, mais pas du tout tendance hipster. Tendance négligé. Ses yeux très noirs étaient entourés de cernes bleues. Je le sentais abattu, paniqué. Effrayé ? Peut-être effrayé oui. Il gardait les yeux baissés sur ses mains qu’il triturait sans interruption. A un moment, il a relevé la tête. Il s’est mis à fixer le mur devant lui, sans arrêter pour autant de se frotter les mains, comme si ce geste seul le maintenait en vie.  C’est alors que j’ai croisé son regard. J’ai rabattu mes yeux sur mon magazine. Constatant le changement d’attitude de son compagnon, Il s’est retourné vers moi. Je l’ai perçu du coin de l’œil. Mais Il était dans son fil de pensées et a recommencé à murmurer sur un ton de plus en plus énervé à son compagnon qui avait à nouveau les yeux posés sur ses mains. Je saisissais alors quelques brides de son monologue.

« Tu sais ce qui va m’arriver si tu lui dis »

« Tu le sais que je t’aime »

« Tout ça…accident »

« ….rien… à côté… »

« …tombé…étourdi »

Son jeune compagnon ne disait pas un mot. Je recommençais à les observer à la dérobée.

Et puis soudain, je perçus un changement dans Son attitude. Son compagnon aussi releva la tête lorsque, se détournant de lui, Il s’appuya sur le dossier de sa chaise. Les yeux fermés, Il commença par se masser la nuque. Je constatais les perles de sueur qui coulaient sur son crâne, sur son front. La pâleur de son visage contrastait avec la rougeur de son cou d’une façon étrange. On aurait dit qu’il portait un masque. Les yeux fermés, Il essayait d’écarter les boutons imaginaires d’une chemise qui serait devenue d’un coup trop serrée. Son jeune compagnon le regardait, étonné. Cependant, il ne prononçait pas un mot. Je le vis esquisser un geste vers Lui, comme s’il voulait Lui attraper l’épaule, mais il se retint et son bras retomba mollement sur ses genoux. Comme pris d’une panique soudaine, Il rouvrit les yeux d’un coup, les écarquilla, et dans le même temps se mit debout. C’est à ce moment que ses yeux se posèrent sur moi. Je restais assise, mon magazine pendant lamentablement au bout de mes doigts. Je restais là, à Le fixer, sans laisser percevoir quoi que ce soit. A son tour, Il leva le bras dans ma direction, pencha un peu la tête de côté, ouvrit la bouche. Mais aucun son ne sortit. C’est à cet instant précis qu’Il s’écroula sur place, comme s’Il était aspiré par le sol. Le jeune homme et moi étions restés assis, sans faire le moindre geste. Nous nous regardâmes pendant que Lui restait couché par terre, sur le ventre, son bras gauche coincé sous lui. Dans le silence de cette salle d’attente, nous l’écoutions haleter sans manifester la moindre émotion. C’est alors que, d’une voix surprenamment grave pour son physique, le jeune homme m’adressa pour la première fois la parole :

« - Cela fait longtemps que vous attendez ?

- J’ai dû arriver 10 minutes avant vous.

- Le docteur était déjà en consultation ?

- Oui, mais une famille est entrée avec lui juste avant que vous arriviez, il a un peu de retard.

- Merci.

- Je vous en prie. Votre ami n’a pas l’air en forme, dis-je, mentionnant pour la première fois l’étrangeté de la situation.

- En effet, je ne l’ai jamais vu dans cet état. Mais ce n’est pas très poli d’aller taper à la porte du docteur non ?

- Non, en effet…

- Mon téléphone est cassé, sinon j’aurai pu appeler le SAMU, c’est bête.

- Ah oui, et je ne peux même pas vous prêter le mien, il est complètement déchargé. 

- C’est lui qui n’a pas voulu que je fasse réparer le mien. Et je ne sais pas débloquer le sien.

- Je ne suis pas très douée non plus pour ça.

- Dommage.

- Oui, dommage.

...

- Vous pensez que le docteur en a pour longtemps ?

- Je ne sais pas, mais c’était une famille avec 3 enfants, des vaccins si j’ai bien compris, ça risque de lui prendre un peu de temps. »

Cette conversation dans ce contexte ne me paraissait même pas surréaliste. Je commençais à reboutonner ma veste. Me levant, je m’approchais de ce corps dont les halètements se faisaient de plus en plus rauques. Je me penchais vers son visage. Il avait la bouche ouverte. De la bave lui sortait de la bouche. Ce détail failli me provoquer un haut-le-cœur. Son regard me fixait cependant. Je savais que, là, Il savait qui j’étais. Je sentais une supplique au fond de ses yeux. Je lui souris puis me redressais.

« - Je crois que je n’ai plus besoin de voir le docteur, je vous laisse mon tour.

- Oh non, ne vous sentez pas obligée madame.

- Non non, je ne me sens obligée de rien, ne vous inquiétez pas, lui répondis-je en lui souriant doucement.

- Faudrait pas que ça aille trop vite quand même. »

Sur le coup, j’acquiesçais. Je me demande maintenant ce qu’il espérait ne pas voir arriver trop vite…

Le silence retomba dans la pièce. Le son rauque qu’Il produisait en respirant s’était arrêté. Je me repenchais encore une fois. Il vivait toujours, ses yeux continuaient de me supplier, mais un voile bleu commençait à s’étendre doucement devant eux.

« - Bon, je vais y aller. Bonne fin de journée.

- Merci Madame, à vous aussi. »

En passant devant le bureau du docteur, j’entendis les pleurs d’un bébé accompagnés des rires de sa mère qui tentait de le rassurer.

Je fermais la porte derrière moi. Dédaignant l’ascenseur, je descendis les escaliers avec une impression de liberté que je n’avais pas ressenti depuis des années. L’appel du printemps ? Peut-être. Je tirais la lourde porte et me retrouvais à nouveau à l’air frais.

Dehors, le soleil brillait.

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Commentaires
C
Je me suis régalée !! Je n'ai pas cessé ma lecture une seconde, limite en apnée ! <br /> <br /> Juste un petit goût de trop peu à la fin ! 😘
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